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  • 16 mars 2025 1 h 12 min

Infos pratiques
  • Adresse : Avenue Du Rock'n'roll
  • Adapté aux personnes à mobilité réduite
  • Durée moyenne visite : 1h
  • Difficulté visite : Facile
Localisation
La visite

Je me tiens au pied de deux géants de fer et d’acier, les anciens hauts fourneaux de Belval, dont les silhouettes rouillées dominent le nouveau quartier d’Esch-sur-Alzette. Dès les premiers pas, je suis frappé par le contraste entre ces colosses industriels silencieux et l’effervescence moderne qui les entoure. Le vent s’engouffre dans la structure métallique, produisant un léger sifflement – comme un écho lointain des souffleries d’antan. Passionné par le patrimoine industriel, j’ai toujours voulu explorer ce site emblématique du passé sidérurgique luxembourgeois. Aujourd’hui, j’ai la chance de plonger dans l’histoire en arpentant la “Terrasse des Hauts Fourneaux”, bien déterminé à faire revivre mentalement un siècle d’évolution industrielle.

Les anciens hauts-fourneaux A et B de Belval se dressent fièrement au cœur du nouveau quartier. Sur cette photo, on distingue à droite l’ossature massive d’un des hauts fourneaux, culminant à plus de 80 mètres, et à gauche l’ancienne cheminée de la centrale électrique du site. Au centre, les deux grands cylindres gris sont les cowpers (ou réchauffeurs d’air), d’imposants réservoirs en béton et acier qui servaient à préchauffer l’air insufflé dans le haut-fourneau. Ces structures monumentales, partiellement repeintes de teintes rougeâtres par la rouille, témoignent de l’ère industrielle prospère de Belval et de la volonté du Luxembourg de conserver ce patrimoine historique (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien).

Contexte historique : la naissance de l’industrie sidérurgique

En empruntant mentalement la machine à remonter le temps, j’imagine Belval il y a plus d’un siècle. Il y a plus de 100 ans, Belval ne ressemblait guère au quartier moderne d’aujourd’hui : à l’aube de la Première Guerre mondiale, des fumées épaisses s’échappaient de hauts fourneaux flambant neufs, tandis que le rouge vif des coulées de fonte illuminait un paysage noirci par la suie (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). C’est en effet entre 1909 et 1912 qu’une compagnie allemande, la Gelsenkirchener Bergwerks A.G., implante ici une usine sidérurgique moderne avec plusieurs hauts fourneaux, une aciérie et des laminoirs (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Le choix de Belval n’est pas un hasard : le sous-sol regorge de minerai de fer de la formation des Terres Rouges, partagé entre la Lorraine française et le sud du Luxembourg, ce qui offre une matière première abondante.

Peu après, en 1911, les principaux acteurs de la sidérurgie luxembourgeoise unissent leurs forces : c’est la naissance de l’ARBED (Aciéries Réunies de Burbach-Eich-Dudelange) (Belval, Luxembourg - Wikipedia). Cette fusion marque le début d’une époque florissante. En 1913, juste avant la Grande Guerre, l’usine d’Esch-Belval figure parmi les plus productives d’Europe – cette année-là fut un record historique pour l’acier luxembourgeois (Belval, Luxembourg - Wikipedia). À la veille de la guerre, plus de 3 000 ouvriers travaillent ici, produisant quelque 400 000 tonnes de fonte et 360 000 tonnes d’acier par an (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Ce bond industriel transforme radicalement le pays : rappelons qu’au XIX^e^ siècle, le Luxembourg était un petit pays rural et pauvre, dont beaucoup d’habitants émigraient faute de travail (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). L’exploitation des mines puis l’essor de la sidérurgie au tournant du 20^e^ siècle vont changer la donne : « La sidérurgie a fait notre renommée et, grâce à ça, nous avons pu avoir une indépendance économique », explique l’historien Frédéric Humbel (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). En quelques années, le Grand-Duché passe du statut de nation agricole à celui de puissance industrielle de premier plan.

Cette réussite attire une importante main-d’œuvre étrangère pour compléter la population locale. Dans les années 1910, des ouvriers polonais et allemands arrivent les premiers, habitués aux mines de fer de leurs pays, suivis dans l’entre-deux-guerres par de nombreux Italiens (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Le bassin minier luxembourgeois devient un véritable creuset culturel où se côtoient langues et nationalités autour de l’usine. En 1922, le jeune Grand-Duché, l’un des six fondateurs de la CECA un peu plus tard, est fier de cette industrie qui assoit son économie.

Apogée et déclin de la “Schmelz”

Après la Seconde Guerre mondiale, Belval connaît une nouvelle période faste. Dès les années 1950, la sidérurgie luxembourgeoise profite du marché commun de l’acier européen. D’ailleurs, un événement marquant a lieu ici : le 30 avril 1953, Jean Monnet, alors président de la Haute Autorité de la CECA, actionne lui-même la première coulée d’acier européenne sur le site de Belval (Belval, Luxembourg - Wikipedia). Ce jour-là, sous le regard de sidérurgistes fiers et curieux, un bloc d’acier estampillé “EUROP” sort du haut-fourneau, symbole de la coopération transfrontalière naissante. Belval devient ainsi, l’espace d’un instant, le théâtre de l’histoire européenne autant qu’industrielle.

Au cours des Trente Glorieuses, l’usine d’Esch-Belval ne cesse de se moderniser et d’accroître sa capacité. Pour faire face à la demande d’acier en pleine explosion, on construit de nouveaux équipements gigantesques. Le haut fourneau A est mis à feu en 1965, suivi du haut fourneau B en 1970, chacun plus grand et plus performant que leurs prédécesseurs (Belval, Luxembourg - Wikipedia). Quelques années plus tard, en 1979, un troisième colosse, le haut fourneau C, entre en service (Belval, Luxembourg - Wikipedia). À son apogée, le site d’Esch-Belval est une fourmilière où près de 7 000 salariés gagnent leur vie dans les aciéries, laminoirs, ateliers et mines environnantes (RTL Infos - Reportage: Les hauts-fourneaux de Belval, témoins de l'histoire du Luxembourg). Le complexe sidérurgique s’étend sur 120 hectares et intègre tout le processus, des minerais bruts aux produits finis – c’est d’ailleurs la dernière aciérie intégrée construite en Europe au XX^e^ siècle (RTL Infos - Reportage: Les hauts-fourneaux de Belval, témoins de l'histoire du Luxembourg). Dans la région, on l’appelle familièrement la Schmelz, du luxembourgeois Schmelz signifiant fonderie ou usine sidérurgique, un mot qui rime avec fierté ouvrière et identité locale.

Pourtant, à la fin des années 1970, le ciel commence à s’assombrir au-dessus des hauts fourneaux. La crise sidérurgique internationale frappe durement : concurrence mondiale accrue, chute des prix de l’acier et chocs pétroliers plongent l’industrie dans le doute. Au Luxembourg, des plans de restructuration se mettent en place dès les années 1980. L’ARBED diversifie sa production et adopte progressivement la filière électrique dans les années 1990, remplaçant les hauts fourneaux alimentés au minerai par des fours électriques recyclant la ferraille (Belval, Luxembourg - Wikipedia). Inefficaces ou trop coûteux, les premiers hauts fourneaux de Belval sont éteints les uns après les autres. Le haut fourneau C subit une grave avarie en 1995 et n’est pas réparé, il est démantelé l’année suivante (Belval, Luxembourg - Wikipedia). Le haut fourneau A, lui, est mis en veille la même année 1995. Finalement, le 31 juillet 1997, une ultime coulée de fonte jaillit du haut fourneau B avant que sa flamme ne s’éteigne définitivement (RTL Infos - Reportage: Les hauts-fourneaux de Belval, témoins de l'histoire du Luxembourg). Après près de 90 ans d’activité ininterrompue, la “dernière coulée” marque la fin d’une époque. Un silence inhabituel retombe alors sur Belval, seulement troublé par l’écho lointain des laminoirs voisins qui, eux, poursuivent la production d’acier autrement.

Cette fermeture est un choc pour la région d’Esch-sur-Alzette. Beaucoup d’ouvriers, fiers de leur métier, vivent ce moment avec émotion, conscients d’assister à la page finale d’un long chapitre industriel. Un ancien contremaître me confiera plus tard avoir pleuré en voyant refroidir le gueulard du haut fourneau – lui qui y avait versé tant d’efforts et de sueur. Mais la fin de la production ne signifie pas la mort du site. Très vite, au lieu de démolir ces structures devenues obsolètes, une prise de conscience patrimoniale émerge : ces hauts fourneaux font partie de l’histoire du Luxembourg et méritent d’être sauvegardés. D’autres bassins sidérurgiques en Europe ont rasé leurs usines fermées, mais ici les autorités décident presque immédiatement de conserver les deux hauts fourneaux survivants (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Ils seront classés monuments nationaux en l’an 2000, scellant officiellement leur protection pour les générations futures.

Ma visite sur place : immersion entre passé et présent

En pénétrant sur le site réhabilité de Belval en cet après-midi nuageuse, j’ai le sentiment de voyager entre deux époques. D’un côté, les vestiges industriels imposent leur stature : charpentes d’acier, canalisations gigantesques suspendues en l’air, passerelles grillagées et parois de béton brut. De l’autre, tout autour, s’élèvent des immeubles contemporains aux façades vitrées et colorées, des cafés et des places publiques où flânent étudiants et salariés. Le sol où je marche est pavé de neuf, mais par endroits il conserve les tracés d’anciennes fondations. J’avance lentement, comme pour mieux ressentir l’âme des lieux. Sous mes pas résonnent les échos du passé : le martèlement des presses, le souffle continu des cowpers, le grondement des trains chargés de minerai qui autrefois entraient sans relâche dans l’usine.

Au détour d’une ruelle industrielle, le patrimoine et la modernité se côtoient étroitement à Belval. Cette photographie illustre la promenade piétonne aménagée sous le haut-fourneau A, aujourd’hui ouverte au public. À droite, la structure métallique du chargement du haut-fourneau surplombe un bassin d’eau peu profonde – un aménagement paysager moderne où les reflets des anciennes cuves rouillées dansent à la surface. À gauche, d’élégants bâtiments contemporains en briques et en verre (accueillant restaurants et bureaux) encadrent la perspective. En arrière-plan, on aperçoit une façade rouge vif et un toit géométrique futuriste abritant la salle de concert Rockhal. La cohabitation visuelle est saisissante : l’acier riveté du passé surplombe la vie quotidienne du présent, offrant aux visiteurs une immersion unique dans l’histoire sidérurgique au cœur d’un quartier du XXI^e^ siècle.

En levant les yeux, je distingue les escaliers métalliques qui serpentent le long de la carcasse du haut-fourneau A. Bien décidé à prendre de la hauteur, je m’engage sur ces marches grillagées qui mènent au sommet. La montée est impressionnante : à mesure que je grimpe, le panorama sur Belval s’élargit et le vent se fait plus frais. Me voilà bientôt à 40 mètres de hauteur, sur la plateforme du gueulard, l’ouverture par laquelle on chargeait autrefois le minerai et le coke. Le haut-fourneau, évidé de sa substance en fusion, est désormais un géant endormi que l’on peut approcher sans danger. En fermant les yeux un instant, j’imagine le spectacle d’autrefois : ici-même, la température dépassait les 1 200 °C et une réaction chimique titanesque transformait le minerai en fonte liquide (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Je rouvre les yeux et contemple la vue : au loin, les collines verdoyantes contrastent avec les silhouettes cubiques des bâtiments neufs. En bas, sur la place, des gens se déplacent calmement, inconscients que là où ils marchent, des milliers de tonnes de métal en fusion transitaient chaque jour il y a quelques décennies.

Redescendu sur la Terrasse des Hauts Fourneaux, je poursuis mon exploration. Je passe devant l’ancienne salle des machines, conservée derrière une baie vitrée comme une capsule temporelle : on y voit encore les pupitres de commande, les cadrans figés et les leviers d’arrêt d’urgence, figés dans le silence des années 1980 (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Plus loin, d’innombrables tuyaux rouges grimpent et s’entrecroisent le long des parois, vestiges du réseau de gaz et d’air comprimé qui alimentait le monstre de fer. Je touche du doigt l’un de ces conduits, dont la peinture rouge écaillée laisse apparaître le métal brut – comme pour ressentir un peu du souffle brûlant qui les parcourait à l’époque. Par endroits, des plaques explicatives et des photos d’archives jalonnent le parcours, me permettant d’associer ce que je vois à ce qui a été. Il est même possible de suivre une visite guidée avec un médiateur du Fonds Belval, qui gère le patrimoine du site. À chaque pas, je savoure la façon dont ce lieu a été mis en valeur : plutôt qu’un musée classique, c’est un décor réel dans lequel on se promène librement, un livre d’histoire grandeur nature aux pages de béton et d’acier.

Anecdotes et récits d’ouvriers

Cette exploration ne serait pas complète sans évoquer les histoires humaines qui se cachent derrière la fonte et l’acier. En parcourant les passerelles, j’imagine les milliers d’ouvriers qui ont peiné ici jour et nuit, et certaines anecdotes que j’ai découvertes me reviennent en mémoire. Au détour d’une plateforme, j’entends presque la voix d’un ancien mäerder (ouvrier du haut-fourneau) me raconter la dernière nuit de coulée en juillet 1997 : « Nous étions tous rassemblés, le cœur lourd, à observer la dernière sainte barbe de notre haut-fourneau. Lorsque le flot incandescent s’est tari, un grand silence a plané, et beaucoup avaient les larmes aux yeux. » Sans doute cette scène émouvante a-t-elle marqué à jamais la mémoire collective des sidérurgistes luxembourgeois.

Mon esprit voyage aussi vers des périodes plus sombres, comme l’Occupation durant la Seconde Guerre mondiale. J’avais lu le témoignage d’un ancien apprenti de l’usine, qui racontait comment les ouvriers de Belval tentaient subtilement de résister à l’occupant nazi en ralentissant la production ou en sabotant discrètement du matériel (BELVAL: La forêt, les hauts-fourneaux, les friches – woxx). Ces actes de défi, bien que risqués, témoignaient de l’esprit de solidarité et de liberté qui animait le personnel, même sous la contrainte. « Pendant la grève de 1942, on a fait semblant de céder, mais on n’a jamais cessé de penser à saboter leurs plans », disait-il en substance. Imaginer ces hommes braver l’autorité oppressive au milieu des fournaises donne une dimension héroïque à ce site au-delà de sa seule importance économique.

Chaque ancien ouvrier que j’ai pu rencontrer ou dont j’ai pu lire le récit parle de Belval avec un mélange de nostalgie et de fierté. Fierté d’avoir contribué à bâtir la prospérité du pays à force de bras et d’ingéniosité, et nostalgie d’une époque de camaraderie ouvrière intense. Un vieil ingénieur m’a un jour décrit la discipline quasi-militaire qu’il fallait pour coordonner les opérations : « Au haut-fourneau, chacun avait son poste, du gueulard jusqu’à la coulée, et une erreur pouvait être fatale. Mais on formait une famille, on se serrait les coudes à chaque coup dur. » D’autres se souviennent des chaleurs d’enfer en été, des visages couverts de poussière orange à la fin du poste, ou encore du vacarme assourdissant qui régnait dans la halle de coulée – un vacarme tel qu’en sortant de l’usine, tout semblait étrangement calme dehors.

Parmi les anecdotes emblématiques, il y a aussi celle, presque incroyable, du haut-fourneau voyageur. Après l’arrêt définitif de 1997, les installations de Belval étaient en trop bon état pour finir à la ferraille : le haut-fourneau C (le plus récent) a été démonté pièce par pièce et vendu à la Chine, où il a été remonté pour une seconde vie industrielle (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). On raconte même – mais est-ce une légende urbaine ? – que ce haut-fourneau luxembourgeois aurait ensuite été revendu par les Chinois à un autre pays quelques années plus tard (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Ainsi, une partie de l’âme de Belval continuerait de fonctionner à l’autre bout du monde ! Cette histoire illustre à quel point le savoir-faire sidérurgique développé ici était reconnu et pouvait traverser les frontières.

La reconversion du site : de la sidérurgie à la culture et au savoir

Revenir à Belval aujourd’hui, c’est constater de ses propres yeux la renaissance d’un site que l’on croyait condamné après la fermeture des hauts fourneaux. Dès la fin des années 1990, une vision audacieuse s’est mise en place : transformer cette friche industrielle de 120 hectares en un nouveau quartier urbain dynamique, tout en préservant son cœur historique. Le gouvernement luxembourgeois et ARBED (devenue ArcelorMittal) s’associent pour créer Agora, une société de développement chargée de piloter la reconversion. Un concours international d’urbanisme est lancé en 2001 afin de dessiner un masterplan ambitieux pour Belval (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). Des architectes de renommée mondiale planchent sur le défi d’intégrer ces vestiges monumentaux dans une cité du futur. Le projet retenu propose de concentrer autour des hauts fourneaux de nouveaux équipements publics, des logements et des entreprises, de façon à faire de Belval un pôle d’attraction régional.

Très vite, les premiers bâtiments sortent de terre : l’Université du Luxembourg transfère ici son campus principal, dont les auditoires ouvrent en 2015 à deux pas des hauts fourneaux. La Rockhal, grande salle de concert modulable au revêtement rouge, ouvre dès 2005 et commence à attirer des foules de mélomanes sous l’ombre des cheminées. Des sièges d’entreprises innovantes s’installent dans des tours de bureaux modernes voisines de l’usine, tandis que des immeubles d’habitation accueillent de nouveaux résidents, donnant une seconde vie à Belval. Le site prend même le nom de Cité des Sciences, pour marquer sa nouvelle vocation tournée vers la recherche et la connaissance. Au fil des années 2010, Belval devient ainsi un symbole de reconversion réussie, souvent cité en exemple en Europe.

Crucial dans cette métamorphose, le Fonds Belval – établissement public créé pour conserver et valoriser le patrimoine industriel du site – veille à chaque étape à ce que les éléments historiques soient préservés et intégrés harmonieusement. Les deux hauts fourneaux restant, baptisés A et B, ont été consolidés, repeints en partie et mis en sécurité. Le haut-fourneau A, notamment, a été aménagé pour accueillir du public : en 2014, il a ouvert en permanence aux visiteurs, devenant un musée à ciel ouvert de la sidérurgie (RTL Infos - Reportage: Les hauts-fourneaux de Belval, témoins de l'histoire du Luxembourg). On peut y grimper librement (ou lors de visites guidées) jusqu’à la plateforme panoramique, avec des panneaux explicatifs retraçant le processus de fabrication de la fonte. C’est une expérience impressionnante que beaucoup comparent à celle de sites comme la Völklinger Hütte en Allemagne ou le parc du Metallurgique à Uckange en Lorraine, à ceci près qu’ici l’usine est au cœur d’un quartier vivant et non isolée.

Aujourd’hui, en se promenant à Belval, on trouve une bibliothèque universitaire ultramoderne, un centre commercial, des cafés, des résidences étudiantes, des œuvres d’art contemporaines en plein air… et, surgissant au centre de tout cela, les deux hauts fourneaux majestueux, éclairés la nuit par des jeux de lumière. L’effet est à la fois étrange et magnifique : ces géants d’acier, autrefois symboles du labeur ouvrier, sont devenus les icônes d’une nouvelle ère. Ils trônent au milieu d’une place publique – rebaptisée symboliquement Place des Hauts-Fourneaux – où ont lieu des événements culturels, des marchés, des fêtes. Chaque année depuis peu, on célèbre même ici la Fête des Hauts Fourneaux, un week-end festif durant lequel des animations, concerts et visites spéciales rendent hommage à l’histoire du site. L’ancien et le nouveau se répondent ainsi en permanence : il n’est pas rare de voir un professeur d’université expliquer à ses étudiants, sur le chemin du cours, le fonctionnement d’un cowper au pied même de l’appareil; ou des spectateurs du Rockhal lever la tête en sortant d’un concert, émerveillés par la silhouette illuminée des fourneaux dans la nuit étoilée.

Mon ressenti personnel : mémoire ouvrière et fierté patrimoniale

Après avoir arpenté Belval de long en large, je m’arrête un instant sur une passerelle pour contempler une dernière fois ce paysage urbain si particulier. Autour de moi, des étudiants rient en terrasse, des cadres sortent d’une réunion, des familles se baladent – la vie quotidienne suit son cours normal. Au-dessus d’eux, immuables, les hauts fourneaux veillent, transformés en sentinelles de la mémoire. Je ressens une profonde émotion en réalisant le chemin parcouru : cet endroit qui fut le théâtre d’un dur labeur, d’innovations techniques mais aussi de luttes et de solidarités, a su se réinventer sans renier son passé.

Belval est la preuve qu’on peut tourner la page de l’industrie lourde sans effacer les chapitres précédents. Au contraire, l’ancien sert de socle au nouveau : les ingénieurs et chercheurs d’aujourd’hui bâtissent les technologies de demain en gardant sous leurs fenêtres ces hauts fourneaux qui sont un rappel tangible du génie et du courage de leurs aînés. Cette continuité donne du sens à l’évolution du pays. Le Luxembourg d’après l’acier n’a pas renié l’acier – il l’a sublimé en objet culturel.

Au-delà de l’aspect architectural et spectaculaire, ce sont les histoires humaines qui me touchent à Belval. Chaque boulon, chaque poutrelle semble imprégné des voix des ouvriers d’hier. J’imagine leurs conversations en patois lorrain ou en italien dans le vacarme de l’usine, leurs joies lors des paies bien méritées et leurs angoisses pendant les crises ou les guerres. Marcher sur leurs traces m’a permis, à ma modeste échelle, de mieux comprendre leurs vies et l’importance de leur contribution. C’est une leçon d’humilité et de respect. La mémoire ouvrière ici n’est pas qu’un concept : elle se ressent physiquement, dans la texture des murs, dans l’odeur métallique qui persiste par endroits, dans la chaleur fantôme qui semble émaner des conduites rouillées au soleil couchant.

Conclusion : un patrimoine vivant à découvrir

Mon exploration des hauts fourneaux de Belval s’achève, mais je repars enrichi de multiples images et réflexions. Ce site est bien plus qu’un décor de friche industrielle – c’est un lieu de mémoire où se raconte une partie de l’âme du Luxembourg moderne. Belval a connu l’âge du fer et du feu, puis a sombré dans le silence, avant de renaître dans la lumière du XXI^e^ siècle. Unique en son genre en Europe, il offre une cohabitation harmonieuse entre patrimoine industriel et architecture contemporaine, rendant palpable le dialogue entre passé et futur (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien). C’est cette harmonie qui fait toute la magie de Belval : on y prend conscience que l’innovation d’aujourd’hui s’appuie sur l’héritage d’hier, et que préserver cet héritage donne de la profondeur à notre développement.

En quittant le site, je jette un dernier regard vers les deux hauts fourneaux. Le soleil de fin d’après-midi les teinte d’une couleur orangée, semblable à la braise qui les animait jadis. Je ne peux m’empêcher de sourire en pensant que ces géants endormis font désormais partie intégrante du paysage d’Esch-sur-Alzette, autant que les bâtiments neufs qui les entourent. Belval est devenu un symbole d’espoir et de résilience, prouvant qu’un territoire peut se réinventer sans renier son identité.

Que vous soyez amateur d’histoire, d’architecture, ou simplement curieux, je ne peux que vous inviter à venir découvrir à votre tour ces hauts fourneaux de Belval. Parcourez leurs passerelles, imprégnez-vous de l’atmosphère unique des lieux, et laissez ces titans de fer vous murmurer leurs récits. Vous comprendrez alors pourquoi ils tiennent une place si spéciale dans le cœur des Luxembourgeois, et pourquoi leur flamme – symbolique – brille encore dans la mémoire collective de tout un pays. (Patrimoine : les hauts-fourneaux de Belval, une mémoire industrielle sauvegardée | Le Quotidien)

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