22 rue des saules, Paris
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9 octobre 2024 0 h 31 min
Sous ses aires de maisonnette de campagne, "Au Lapin Agile" en impose : créé en 1795, ce cabaret montmartrois est l'âme d'un vieux Paris, puisant ses sources dans un Montmartre autrefois village champêtre avec ses moulins, ses carrières de gypse et sa culture de la vigne. Le cabaret était un tremplin pour de nombreux artistes dont le nom résonne encore dans toutes les têtes. Claude Nougaro et Georges Brassens ont fait leurs premières scènes dans ce lieu tandis que Toulouse-Lautrec et Picasso l'ont assidument fréquenté.
Le nom du Cabaret vient tout simplement du nom de l'artiste, André Gill qui réalisa l'enseigne encore visible au 22 rue des Saules. De "Lapin à Gill", le nom muta en "Lapin Agile". En 1879, Louis-Alexandre Gosset de Guines, dit "André Gil", caricaturiste d'homme de son temps, artiste-peintre et chansonnier, est désigné par le propriétaire du Cabaret, Sals, pour réaliser cette enseigne. Il proposera une peinture d'un lapin affublé d'une redingote verte, d'une casquette et d'une écharpe rouge, tenant une bouteille sur la patte droite et trouvant l''équilibre au milieu du casserole (ou sautant depuis celle-ci, la peinture peut prêter à confusion...). Le lien entre l'artiste et le lapin est rapidement établi, où l'oeuvre serait un autoportrait du caricaturiste et une analogie de son passé : la casquette des ouvriers et l'écharpe rouge portées par le lapin sont des éléments d'identification des Communards. Nous observons également que le lapin saute de la casserole, comme pour échapper au risque imminent de se faire cuisiner. André Gill a participé aux évènements de la Commune en 1871 et a échappé aux vagues de répression qui suivirent la défaite des communards. Au risque de vous décevoir, l'enseigne du Lapin Agile exposée sur la façade extérieure du Cabaret est une copie, l'original étant visible au Musée de Montmartre, au 12-14 Rue Cortot.
Dès 1860, le village de Montmartre est rattaché à Paris, un lieu oú deux atmosphères règnent de façon assez marquées : le bas-Montmartre, avec ces cabarets célèbres (Le Moulin Rouge, Le Chat Noir), ces repères de débauche et une population souvent peu fréquentable. Le haut-Montmartre, lieu inspirant à l’esprit village où de nombreux artistes y élisent domicile, surtout à partir de 1890.
C’est dans le haut-Montmartre que naquit le futur Cabaret « Au Lapin Agile ». Lors de son annexion en 1860, le lieu devint auberge pour voituriers, transporteurs et pris le nom de "Au Rendez-vous des voleurs" comme un appel aux rôdeurs du bas-montmartre. 9 ans plus tard, le changement de décor imposa un changement de nom : "Cabaret des Assassins". Les murs sont recouverts de gravures d’assassins célèbres tels Ravaillac, le bourreau du Roi Henri IV et Troppman, l’assassin de la Famille Kinck, guillotiné devant la prison de la Grande roquette, dont vous pourrez observer certains vestiges dans Paris, au 51 rue de Borrego (grille et porte d’une cellule) et au 16 rue de la Croix-Faubin (bases en granit de l’échafaud de la prison).
Après l'épisode André Gill qui donna le nom définitif "Au Lapin Agile", la « Mère Adele » (nom de scène d’ancienne danseuse de French Can Can d’Adele Decerf), racheta le Cabaret des Assasins en 1886 pour en faire un café-restaurant-concert, très proche du cabaret actuel « Au Lapin Agile ». Pour redorer l’image de l’enseigne et attirer de nouvelles têtes pensantes, elle fait le ménage parmi sa clientèle en écartant les éléments perturbateurs. C’est une réussite, le lieu revit et des artistes de renom s’y pressent en nombre.
En 1903, Adèle revend son affaire à Berthe Sébource qui s'installe avec son compagnon, Frédéric Gérard, dit le « Père Frédé », alors propriétaire du Cabaret « Le Zut ». Il emmène dans ses valises un singe, un chien, des souris blanches, un corbeau et surtout son âne "Aliboron", etablage vivant pour la vente de son poisson dans le quartier de Montmartre. En 1905, le célèbre peintre Picasso donna un tableau intitulé "L'arlequin en verre" qu'il peignit sur place pour son cher ami Frédé. Petit à petit, les anarchistes, libertaires et criminels venant du bas-montrmartre ou du quartier de la Goutte d'Or se mêlent aux artistes et aux gens de bonne tenue. La tension monta en flèche lorsque Frédé décida de chasser ces marlous, appelés à l'époque "Les Apaches" pour garder cet esprit artistique. En 1911, tout bascule quand le fil de Frédé, Victor dit "Totor" est tué d'une balle dans la tête derrière le bar. Les "curieux" pourront observer la trace de la balle encore visible au plafond.
En 1913, Aristide Bruant, client régulier et ami de Frédé, rachète le Cabaret mais laisse la gérance à ce dernier. A partir d'août 1914, la mobililisation générale est proclamée, les hommes partent au front de l'est pour combattre contre l'armée allemande, le Lapin Agile perd une grande partie de sa clientèle et son esprit d'antant. 8 ans plus tard, Bruant revend à son tour le Cabaret à l'autre fils de Frédé, Paulo, chansonnier de talent. "Au Lapin Agile" devint un lieu qui se formalise, perdant un peu en authencitité et en improvisation mais attirant toujours autant de grands artistes sur scène et dans la salle, en tant que simples spectateurs. Après guerre, le Cabaret garde toujours cet esprit de dénicheur de talent improvisé, restant un tremplin pour de jeunes artistes qui se croisent et se cottoient : Léo Ferré, Claude Nougaro ou encore Georges Brassens, pour les plus connus.
Aujourd'hui, c'est le chanteur Yves Thomas, alias Mathieu (où gardien du phare comme il aime s'appeler sur le site officiel) qui tient les reines de cette institution depuis 1972, à 89 ans. Mathieu n'est autre que le beau-fils de Paulo, le fils de Frédé ! Des veillées y sont toujours organisées 6 jours sur 7 mêlant chanteurs et humoristes sans micro, ni sono, où les clients s'accoudent aux mêmes tables en bois que Picasso et Apollinaire, un siècle auparavant. L'âme de Montmartre est préservé, merci Mathieu !
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Bracou
12 août 2022 à 16 h 45 minFrédéric Richard, dit le « Père Frédé », je crois que son nom était Gérard ..autrement tres interéssant..vraiment.
Jean
Gino
12 août 2022 à 17 h 37 minBonjour Jean,
Merci pour votre commentaire, c’est corrigé ☺️.
A bientôt.
Gino.